Depuis l’arrestation de l’artiste AMRON Officiel, les réactions se multiplient, les passions s’enflamment et les amalgames s’installent. Certains agitent les réseaux comme une scène de théâtre permanent, d’autres invoquent la douleur comme un absolu politique. Mais dans ce tumulte, une confusion dangereuse se propage : celle qui voudrait que l’on mette sur un même plan la contestation politique, parfois rude mais légitime, et les attaques frontales contre les institutions et les figures de l’État.
Car au fond, ce que certains refusent de voir, c’est que le cas d’Amron n’a rien à voir avec celui de Mme Gnakadé Marguerite. Il faut oser le dire avec lucidité : on peut être critique du pouvoir sans tomber dans l’insulte, on peut exprimer sa révolte sans tomber dans la diffamation, et on peut dénoncer sans appeler à la haine.
𝐆𝐧𝐚𝐤𝐚𝐝é : 𝐥’𝐞𝐱-𝐦𝐢𝐥𝐢𝐭𝐚𝐧𝐭𝐞 𝐝𝐞𝐯𝐞𝐧𝐮𝐞 𝐝𝐢𝐬𝐬𝐢𝐝𝐞𝐧𝐭𝐞
L’ancienne ministre, par sa récente tribune, a manifesté un désaccord profond avec l’orientation politique du pays. Oui, elle a été virulente. Oui, elle a tiré à boulets rouges. Mais elle l’a fait dans les règles du droit, dans le cadre d’un débat politique. Elle n’a pas insulté. Elle n’a pas incité à la haine. Elle n’a pas foulé aux pieds les principes fondamentaux de respect des institutions. Et c’est pourquoi elle reste, malgré tout, dans le champ du tolérable démocratique.
𝐀𝐦𝐫𝐨𝐧 : 𝐥𝐚 𝐫𝐚𝐠𝐞 𝐝𝐞𝐯𝐞𝐧𝐮𝐞 𝐢𝐥𝐥é𝐠𝐚𝐥𝐢𝐭é
Le cas Amron est d’une autre nature. Ses propos, rendus publics dans plusieurs vidéos, comportent des termes d’une extrême violence verbale :
👉🏽 « Faure Gnassingbé, tu es un chien. »
👉🏽 « Je vous emmerde, vous et toute votre armée. »
👉🏽 « Je vous invite à la rébellion, même si cela doit coûter la vie. »
👉🏽 « Que le sang coule, que les larmes inondent, je m’en fiche. »
Et pleins d’autres…
Faut-il rappeler que l’article 290 de la loi n°2015-010 portant nouveau Code Pénal punit l’outrage au Chef de l’État, que l’article 499 condamne les appels à la violence, et que l’article 292 réprime les atteintes graves à l’honneur d’une autorité publique ? La République ne peut, en aucun cas, considérer cela comme une simple opinion.
𝐋’𝐢𝐧𝐝𝐢𝐠𝐧𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧, 𝐨𝐮𝐢. 𝐋’𝐚𝐧𝐚𝐫𝐜𝐡𝐢𝐞, 𝐧𝐨𝐧.
J’ai, moi-même, longuement échangé avec Amron ces derniers mois. J’ai tenté de le raisonner, de lui parler du cadre, des limites, de la République. Je lui ai dit, en privé, que son combat pourrait être utile s’il restait dans le droit. Hélas, à mes tentatives de dialogue, je n’ai reçu que mépris, injures et radicalisation. Et aujourd’hui, les mêmes qui se taisaient face à ses dérives s’émeuvent qu’il soit rattrapé par les lois qu’il a volontairement transgressées en toute connaissance.
𝐃𝐞𝐬 𝐦𝐞𝐧𝐚𝐜𝐞𝐬 ? 𝐉𝐞 𝐥𝐞𝐬 𝐚𝐢 𝐫𝐞ç𝐮𝐞𝐬. 𝐌𝐚𝐢𝐬 𝐣𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐢𝐧𝐮𝐞𝐫𝐚𝐢 𝐝𝐞 𝐩𝐚𝐫𝐥𝐞𝐫.
Depuis que je me suis exprimé publiquement sur cette affaire, des menaces voilées, parfois très explicites, sont parvenues jusqu’à moi. Ma famille a été citée. Mon intégrité a été mise en cause. Mais je ne me tairai pas. Car défendre le droit, défendre la justice, c’est aussi défendre la République contre les menaces de l’émotion absolue.
Et j’en appelle ici au sens de l’État, mais aussi à celui de la vérité : nul ne doit être au-dessus des lois. Ni les gouvernants, ni les artistes. Et surtout pas ceux qui croient que leur douleur justifie leur violence.
𝐋𝐚 𝐑é𝐩𝐮𝐛𝐥𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐞𝐬𝐭 𝐮𝐧𝐞 𝐟𝐨𝐫𝐭𝐞𝐫𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐟𝐫𝐚𝐠𝐢𝐥𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐜𝐡𝐚𝐜𝐮𝐧 𝐝𝐨𝐢𝐭 𝐩𝐫𝐨𝐭é𝐠𝐞𝐫
La République n’est pas faite pour réprimer. Elle est faite pour ordonner la vie collective dans la dignité. Et dans cette République, la liberté d’expression est un pilier, mais elle n’est pas une licence d’insulter. La colère de la jeunesse est légitime, oui. Mais l’incitation à la haine et à la rébellion violente n’est jamais acceptable.
Nous ne construisons pas un État fort sur les cendres des insultes, mais sur les fondations solides du débat, du respect, et de la rigueur morale. Gnakadé a choisi la parole politique. Amron a préféré la provocation outrancière.
𝐏𝐥𝐞𝐮𝐫𝐨𝐧𝐬, 𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐫𝐞𝐬𝐭𝐨𝐧𝐬 𝐣𝐮𝐬𝐭𝐞𝐬.
Je ne me réjouis pas qu’un jeune Togolais comme moi soit derrière les barreaux. Mais je me refuse à glorifier une dérive. Je prie que la justice soit équitable, humaine, et sans complaisance. Mais je prie aussi que cette affaire serve de leçon à tous ceux qui, au nom de la liberté, détruisent la dignité de la parole publique.
Non, la République togolaise n’a pas peur de la jeunesse. Elle a peur du désordre. Et entre la tyrannie de l’impunité et la fermeté de la loi, j’ai choisi la République.
Koffi Eyram Apetor